BIBLIOTHEQUE POUR TOUS

Rapport Moral

Assemblée Générale du jeudi 16 mai 2019

Auditorium du Carré Plantagenêt

Le Mans

 

 

Chaque année, et cela depuis maintenant 2012, je me plie à l'exercice de la rédaction du rapport moral auquel chaque président d'association doit se soumettre. Christiane sait bien dans quel état cette rédaction me met, accapare mes pensées jusqu'à ce qu'enfin le point final soit posé et que j'accepte de ne plus revenir sur le texte, imprimé, rangé dans le dossier intitulé Assemblée Générale. Le chemin est long, plus ou moins inspiré. Cette pression je me la mets, seule, nul ne s'y emploie.

 

2012-2019, déjà 8 assemblées générales organisées. Plusieurs d'entre vous doivent s'en souvenir nous y avons accueilli 3 auteurs : Isabelle Pestre-Marier, Gaëlle Josse, Marie-Christine Quentin, une éditrice jeunesse, nous avons reçu en même temps une maison d'édition de livres audios et de livres en gros caractères Libra Diffusio, organisé une visite du musée d'archéologie avec lectures à voix haute de textes, une visite du musée de Tessé, et cet après- midi, un auteur d'un premier roman.

 

J'en reviens au rapport : de quoi s'agit-il au juste ? Ici pas question de gain, de profit et de revenu. Il ne s'agit pas non plus de sexualité, rassurez-vous, ni de train d'engrenage, de boite de vitesse, alors de moral ? Allons-nous parler de bonnes mœurs, de conscience de ce qui est bien ? D'esprit, de pensée ?

Les textes nous disent ceci : Le rapport moral est un compte-rendu annuel des activités d'un organisme à but non lucratif fait par son président lors de l'assemblée générale de cet organisme.

 

Rapport d'activités, rapport moral ? Quelle différence alors ? J'ai pris le parti d'une carte blanche, et j'assume ce choix. C'est mon rendez-vous avec vous.

 

L'an passé j'avais consacré une large part de mon texte au rapport Orsenna. La question du livre et celle de la lecture semblent moins la priorité ces derniers temps, il n'a pas été revendiqué par exemple de référendum d'initiative culturelle, à regret la culture est restée éloignée du Grand Débat. Malgré tout La France reste un pays de lecteurs à en croire le Centre National du Livre dans une récente étude et c'est un constat encourageant.

 

Les grands lecteurs et surtout les grandes lectrices, femmes de plus de cinquante ans qui affirment lire plus de 15 livres par an sont en progression. Sur un échantillon de 1000 personnes, 30% en 2018 se déclarent grands lecteurs au lieu des 22% en 2015.

En ce qui nous concerne, il faudrait créer une catégorie supplémentaire, nous sommes nombreux ici présents en effet à lire bien plus de 15 livres par an, nos lecteurs nous en sont d'ailleurs reconnaissants.

Un fait encourageant les 15-24 ans sont aujourd'hui plus nombreux à déclarer lire plus de livres, 28% contre 16%.

Dernier chiffre à relever, 63% des Français aimeraient lire davantage, ce chiffre atteint même 76% chez les 25-34 ans. Si les français avaient une journée de plus dans la semaine à consacrer aux loisirs la lecture serait une activité privilégiée.

 

Alors réjouissons-nous ! Faisons-en sorte que nos vitrines soient attractives, nos bibliothèques accueillantes, nos bibliothécaires avertis ou chevronnés et nos choix de livres pertinents.

 

Un article a attiré mon attention et je ne résiste pas à l'idée de vous en dire plus ; Les tops models vont-elles sauver la littérature ? A l'heure où le bleu est le nouveau noir, où le chou-fleur est le nouveau chou kale et Leipzig le nouveau Berlin, le livre serait en passe de devenir le nouveau « it-bag », le nouveau sac à main pour parler français ! En effet la mannequin Gigi Hadid a opté pour l'Etranger de Camus, sa soeur Bella a pour sa part jeté son dévolu sur l'Outsider de Stephen King... Etant donnée la situation peu reluisante du marché du livre tout est bon à prendre !

 

Mesdames, messieurs, pour les temps à venir, préparez-vous à apprendre à marcher comme sur les podiums et à organiser un nouveau type de café littéraire !

 

Plus sérieusement, cette année des actions nouvelles nous ont conduits vers un public de personnes âgées accueillies dans des maisons de retraite, des EPHAD, pour lesquelles nous déposons des livres en gros caractères. Nous savons à quel point la lecture peut être une ouverture vers le monde, un refuge. Sans prétention aucune mais avec sérieux et enthousiasme les bibliothécaires, comme elles le font déjà en milieu hospitalier, contribuent à ce titre par leur action à mettre de la vie là où elle s'essouffle.

À l'heure où nos bibliothèques souffrent de la concurrence avec les médiathèques nous avons toutes les bonnes raisons de déployer nos activités vers de nouveaux lieux et ceux qui hébergent des personnes âgées se prêtent tout à fait à nos compétences.

Nous y avons développé un certain savoir-faire.

 

Il est encore tôt pour que je dresse un bilan de mon action à la tête de Bibliothèque Pour Tous de la Sarthe.

Des fermetures de bibliothèques sont certes à déplorer, mais notre association a ouvert une BPT au sein de l'hôpital du Mans.

 

Des questions se posent quant à l'état de nos finances départementales, à la déperdition des subventions municipales, départementales.

Il nous faut désormais raisonner en projet et solliciter des aides pour des actions ciblées.

La question du recrutement des nouveaux bénévoles est cruciale ; il en va de la pérennité de notre association.

Enfin, il nous faut veiller à renouveler les cadres de notre association.

 

C'est un constat, cette activité est chronophage et je souhaite être aidée dans ce domaine.

 

Il nous faut également penser à élire une nouvelle présidente... une secrétaire, et recruter une trésorière !

Je ne peux faire plus que le dire et le redire encore. L'an prochain je ne voudrais pas être dans l'obligation de dresser un inventaire des démarches à effectuer dans la perspective de la dissolution de Bibliothèque Pour Tous de la Sarthe.

 

J'arrive à la fin de mon propos, j'aurais pu vous dire deux mots du dernier livre paru du neuropsychiatre Boris Cyrulnik, La nuit j'écrirai des soleils, chez Odile Jacob, dans lequel il affirme le pouvoir des mots et développe le fait que la littérature aide au retour à la vie. J'ai choisi cependant pour conclure quelques extraits du livre de Françoise Héritier, anthropologue, tirés de son ouvrage : Le sel de la vie (Odile Jacob - mai 2017).

Ce livre a fait écho en moi. Le sel de ma vie, au-delà de mes proches chers à mon cœur, c'est le livre qui y occupe une place prépondérante. Mais le livre n'est rien, à mon goût, sans le partage.

 

Alors, acceptez l'idée de fermer les yeux et écoutez :

 

" Sourire à qui ne s'y attend pas, écouter la vie en soi, se taire, admirer, rire sous cape, sursauter de plaisir au son d'une voix, imaginer de belles histoires. Se taire et ne parler qu'à bon escient, ne pas se croire obligé de faire comme tout le monde, être curieux de tout, avoir les yeux ouverts, écouter l'eau ruisseler d'un torrent, garder fidèlement une idée de ceux que l'on a aimés, croquer des radis, faire des compotes de pommes, nouer conversation facilement, assumer ses détestations, faire un bon mot ingénument et ne s'en rendre compte qu'à l'hilarité des autres, aller chez le coiffeur, regarder le feu, manger un sandwich dans la rue, faire pipi dans la nature, caresser, être caressé, embrasser, être embrassé, se sentir plein d'allant, de passion, avoir les yeux plus grands que le ventre, ouvrir les yeux sur des visages amis, reprendre en chœur des airs populaires, avoir des secrets, jouir de la douceur du temps, avoir un parapluie quand il faut et assez grand pour plusieurs, sourire tendrement à la photo de sa mère, vouloir le bonheur autour de soi, faire le vide dans ses placards, s'étonner d' être en vie. Avoir peur au cinéma, lire des polars, tinter des verres de cristal, assister à un beau match de rugby, hurler de joie devant un tir inratable au football, se sentir plein d'allant, d'enthousiasme, se moquer des convenances..….

Il y a une forme de légèreté et de grâce dans le simple fait d'exister, au-delà des occupations, au-delà des sentiments forts. De ce petit plus qui nous est donné à tous : le sel de la vie ".

 

J'ai retenu de ce texte ce qui me parlait le plus, bien évidemment,

 

Et je conclurai en vous proposant de réfléchir à ce qui vous manquerait de ce petit plus qui nous est donné à tous qui fait /e se/ de la vie si tout cela devait disparaître à jamais de votre vie ?

 

Merci de votre confiance.

 

Je vous souhaite une belle assemblée générale.

 

 

Marylène Bonneau Avril 2019